Le cinéma documentaire - Délits flagrants de Raymond Depardon

Billet publié par Romain Petit le 03/12/2015 à 12h14 dans la catégorie Cinéma

Délits flagrants se rattache au cinéma direct par le dispositif de tournage imposé à Raymond Depardon, l'enregistrement des entretiens en plan fixe réunissant les deux protagonistes de profil, n'imposant pas de point de vue par des artifices de tournage. Mais le film documentaire prend son sens lors du montage, sur 6 substituts et 86 déférés filmés, seuls réciproquement 3 et 14 ont été retenus au montage, les 100 minutes du film ont été sélectionnées depuis 50 heures de rushes. Pour que Raymond Depardon puisse utiliser les images il faut que les déférés signent une autorisation "droit à l'image". Ils sont également payés car si ils veulent se désister, ils peuvent mais doivent rembourser. Pour la première fois Raymond Depardon présente son film au début grâce à sa voix qui lit un texte qui défile: ce que le spectateur va voir parmi toutes les choses que Raymond Depardon a filmé, et en quoi cette oeuvre est une exception puisque c'est le premier film qui montre la justice au quotidien en train de s'exercer, après sept longues années de négociations entre son réalisateur et les institutions judiciaire.

"Muriel, la voleuse de voitures, devant le substitut"

TC: 01:18:43 – 01:22:21 (d'après édition DVD)

La déféré, Muriel, s'installe sur le siège devant le bureau de la substitut et lorsque cette dernière lui demande si être filmé lui pose problème, Muriel se met à se coiffer. Elle cherche dès son entrée dans le cadre à modifier son apparence. Elle pose, et il y a même un regard vers la caméra. Ainsi le dispositif cinématographique est en quelque sorte montré. Comme prévu par les institutions judiciaire pour tourner ce film, la caméra doit être fixe, et l'équipe technique réduite à son minimum, Raymond Depardon et l'ingénieur du son. La promiscuité entre le spectateur et le déféré, sans que le spectateur le sache mais le déféré oui, est due au tournage en lui-même. L'équipe technique est seulement composée du réalisateur Raymond Depardon à la caméra, et de l'ingénieur du son à la perche. Les deux protagonistes sont l'une en face de l'autre. Cependant Muriel est tourné également vers la caméra, ce qui permet au spectateur par l'intermédiaire de cette dernière d'être le troisième protagoniste, même s'il reste observateur. Contrairement aux autres séquences le regard caméra et la position de Muriel met en évidence le fait que Muriel sait qu'elle est filmée. Mais alors par la présence de cette équipe, même réduite, n'influe-t-elle pas le comportement des déférés comme Muriel? Evidemment elle joue devant la caméra, se met en scène. Mais au cours de la séquence on devine que même sans la caméra elle jouerait devant le substitut. Les autres déférés ne regardaient pas la caméra, ou furtivement, ce qui donnait l'impression au spectateur de voir une scène sans que les protagonistes le sachent. Les plans sont longs car Raymond Depardon a souhaité montrer les entretiens dans leur entier, de l'arrivée du déféré dans la salle à son départ. On retrouve également la fixité photographique de Raymond Depardon photographe, contre balancé par l'image en mouvement du cinéma lors des traversées des couloirs. Tous les entretiens sont filmés et construits de la même manière, ne sont pas si différents. Raymond Depardon nous montre ainsi l'aspect répétitif du système judiciaire. Malgré cela le film est rythmé grâce au montage effectué par Raymond Depardon et son monteur, les plans de coupe, la vision orientée car sélection des personnes à l'écran.

La séquence trouve également son intérêt dans la continuité des autres séquences où Muriel apparaît, car devant la psychologue, la substitut puis l'avocat commis d'office, Muriel produit à chaque fois une nouvelle version des faits. C'est bien un documentaire, un document, un objet d'information, de témoignage, de preuve. Informe car montre l'itinéraire procédurale de personnes arrêtées en flagrants délits, de leur arrivée au dépôt de la Préfecture de police à l'entretient avec l'avocat. Sert de preuve comme quoi Muriel ne dit pas la vérité, ou du moins la transforme.


Texte extrait d'un devoir universitaire écrit en mars 2005.

Générique de Délits flagrants:

  • Réalisé par Raymond Depardon
  • Scénario: Raymond Depardon
  • Photographie: Raymond Depardon et Nathalie Crédou
  • Montage: Camille Cotte, Roger Ikhlef et Georges-Henri Mauchant
  • Production: Pascale Dauman
  • Pays: France
  • Date de sortie: 1994

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